Jamais l’université n’a connu une année aussi perturbée et aussi indécise que celle de 2018-2019. Le conflit ouvert qui existe entre le nouveau syndicat dit «Ijaba» et les autorités (ministère, parlement, structures professionnelles) est sans précédent.
C’est la troisième année consécutive que le bras de fer engagé perdure , entraînant dans son sillage des conséquences considérables et des séquelles irréversibles. L’escalade n’a pas de fin.
Au cours de la saison écoulée, les étudiants ont connu une année en queue de poisson puisque plusieurs milliers d’élèves ont été privés de leurs droits à passer des examens et à obtenir leurs diplômes. Pour cette rentrée, on promet, également, le pire. Apparemment, aucune solution n’est en vue et toutes les éventualités ont été passées en revue. Ce syndicat adopte une attitude inflexible. A travers les déclarations de ses responsables, c’est le ministère de l’Enseignement supérieur qui doit plier et accepter toutes les exigences. Celles-ci ne sont pas que des revendications matérielles (bien que ces dernières soient substantielles). Elles s’intéressent à des aspects essentiels dans le fonctionnement du système éducatif et aux orientations stratégiques officielles.
Or, en juin dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous, a présenté la première version du projet de structure des nouveaux statuts des Enseignants Chercheurs.
Selon le ministère, «cette réforme constitue une évolution majeure dans la mesure où elle introduit des changements importants concernant les grades scientifiques, la création de classes de promotion au sein des grades ainsi que de nouvelles grilles d’évaluation transparentes pour le recrutement et la promotion qui s’alignent sur les standards internationaux, notamment par la prise en compte de la diversité des missions et des tâches de l’enseignant universitaire».
Le projet se veut incitatif quant à la production scientifique, à l’innovation pédagogique et à une plus grande implication du corps enseignant dans la vie universitaire tout au long de la carrière académique. Il prévoit également de simplifier les procédures administratives, de réduire le nombre de concours et de supprimer la classification administrative (corps A / Corps B).
Ces innovations portent ainsi sur tous les points qui constituent les principales insuffisances des statuts actuels qui n’ont pas évolué depuis plus de 25 ans.
Malgré tout, «Ijaba» ne cesse de s’en tenir à l’application de l’accord du 7 juin 2018.
Cette ingérence semble sans limite et, du coup, on n’a pas l’impression que « Ijaba » cherche à sortir de la crise. Bien plus, il ne fait que la prolonger sans se soucier des implications très graves sur le niveau de nos étudiants et la crédibilité de nos diplômes.
En tout cas, on prévoit, pour cette année, environ 250.000 étudiants dans les 204 institutions universitaires. Les nouveaux bacheliers sont au nombre de près de 50.000. On estime que le taux des filles dépasse les 62 %.
Au niveau du secteur privé (à la mode, aujourd’hui) on constate une évolution continue. De 6.5 % en 2012-2013, la hausse est à 11.5 %. Et la courbe demeure ascendante. La controverse est encore vive avec les débats violents engagés contre l’enseignement privé.
Avec environ 36.000 étudiants dans 80 établissements, le secteur continue de marquer des points, particulièrement, grâce ou à cause des troubles que connaît l’université publique tunisienne avec ces conflits sans fin entretenus par les batailles entre les syndicats et les autorités. Il y aurait près de 9.000 diplômés qui quitteraient les institutions privées.
C’est ce qui favorise la «migration» de nombreux étudiants vers ces nouvelles institutions relevant du privé. En somme, ils sont prêts à consentir de grands sacrifices matériels pourvu qu’il y ait une stabilité.
L’opposition systématique au lancement de projets privés est, on ne peut plus vive. La preuve en a été, récemment, donnée par l’annonce du démarrage prochain de l’Uftam (Université Franco-Tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée).
L’Uftam est la seule université internationale en Afrique à délivrer des diplômes européens à partir du continent. Elle ouvrira ses portes pour les Masters en octobre 2019 et pour les Licences en septembre 2020. Elle offrira à des étudiants de l’Afrique sub-saharienne autant qu’à des étudiants tunisiens ou méditerranéens un panel de formations d’excellence co-construites par de grandes universités publiques françaises et tunisiennes.
Elle devrait constituer, en Tunisie, un hub régional d’enseignement supérieur pour former les futures générations d’entrepreneurs et de cadres supérieurs dont l’Afrique et l’espace méditerranéen ont besoin.
Assurés par des enseignants-chercheurs français et tunisiens et par des professionnels de haut niveau, les formations offertes par l’Uftam visent une employabilité immédiate des diplômés. Ces derniers pourront faire valoir auprès des entreprises tunisiennes, africaines et européennes leur diplôme de l’Uftam ainsi que les diplômes français et tunisiens délivrés par les établissements partenaires des formations. Certains cursus sont également ouverts aux professionnels ou aux personnes en reprise d’études, leur permettant de re-dynamiser leur vie professionnelle. L’Uftam vise enfin à permettre le développement d’une recherche orientée vers les grands défis sociétaux et les objectifs de développement durable.